Article 46 : A 50 ans j'ai pris ma retraite... suite

Publié le par Meggy de Génissieux

Article 46 : A 50 ans j'ai pris ma retraite... suite

Petite réflexions :

Quelques rares collègues, réellement attentives à moi, me demandaient parfois, comment je faisais pour pour "tenir".  Je ne sais pas, une force intérieure, quelque chose à prouver. "Non vous n'allez pas m'enterrer, je vais m'en sortir ! "

J'ai souvent pensé que j'allais déprimer, sombrer vraiment, tant je m'ennuyais "à mourir" comme je l'ai souvent écrit. Puis non. Ma force de vie intérieure l'a emporté.

 

Le  suicide ?

Certes, et fort heureusement, ma vie familiale était équilibrée, très équilibrée même, mais j'ai tout de même pensé au suicide à plusieurs reprises., même si ça n'a fait que m'effleurer. J'ai alors compris que j'avais une chance incroyable en étant entourée par mon mari, mes enfants, ma famille proche, et mes amis. Que serais-je devenue sans cet entourage ?

Mais j'ai quand même compris ce que pouvaient ressentir des personnes au bord du gouffre. Sans attache, sans personne à qui parler en rentrant à la maison. J'ai compris que certains puissent passer à l'acte.

J'avais souvent l'impression d'être transparente. J'étais régulièrement pétrie de honte car je me demandais souvent où j'avais pêché pour en arriver là. Je ne suis pas pratiquante, mais c'est tout de même dans une société judéo-chrétienne, où le sentiment de culpabilité règne, que je suis née et que j'ai grandi. Difficile de s'en affranchir.

Moi que tout le monde trouve plutôt dynamique, pétillante, joyeuse énergique, travaillomane, en recherche perpétuelle de perfection, de progression, de développement. J'aurais pu tout aussi bien m'éteindre, comme une petite flamme asphyxiée par le manque d'oxygène.

Parfois j'imaginais… et si je n'allais pas travailler aujourd'hui ?… si je me prenais une petite, toute petite demi-journée pour voir, transgresser encore davantage le règlement. Pour aller faire les courses en ville, partir me baigner, aller chez le coiffeur (c'est le cliché du fonctionnaire fainéant !), faire la sieste chez moi plutôt que sur mon bureau.

Parfois j'avais envie de hurler, hurler que j'étais en pleine capacité de mes moyens, très disponible, mes enfants étaient élevés et débordante d'énergie, et que tout ça c'était du gâchis, sur le dos des contribuables. Qu'auraient dit alors mes voisines de bureau ?

Des questionnements à n'en plus finir, une grande souffrance m'envahissaient alors.

 

Pour parler d'une erreur que j'aurais commise… ou pas :

Oui, parce que pendant 3 longues années, de nombreuses journées de lassitude, de nombreuses heures si longues, je me suis demandée si j'avais réellement pêché.

Un jour, j'ai trouvé un jour un texte sur Facebook, que j'ai adoré. Une tribu africaine  (il semble que ce soit les Maasaï) a une très belle manière de punir ceux qui agissent mal. Quand une personne fait une mauvaise action, ils l'amènent au centre du village et toute la tribu l'entoure. Durant 2 journées, les membres de la tribu vont dire à cette personne toutes les bonnes choses qu'elle a accomplies jusqu'à présent. Cette tribu croit que tous les êtres humains qui viennent sur terre sont bons (et je le crois profondément moi aussi) et que nous désirons tous la sécurité, le bonheur, l'amour et la paix. En essayant de chercher le bonheur, nous faisons parfois une erreur et cette communauté perçoit l'erreur comme un appel à l'aide. Ils s'unissent ensemble, pour le bien-être de cet individu, pour l'aider à se reconnecter avec sa vraie nature, pour l'aider à se rappeler qu'il est fondamentalement bon, jusqu'à ce qu'il se souvienne de sa bonté dont il a été déconnecté.

Je suis malgré tout arrivée à admettre que même si j'avais fauté (encore faudrait-il le prouver), j'avais été un très bon fonctionnaire, mais pas un bon petit soldat.

 

Mais que faisait donc ma hiérarchie pendant ce temps là ?

J'avais beau agiter le drapeau, m'agiter, crier de plus en plus fort, sortir du cadre (comme 1 enfant qui veut se faire remarquer) rien à faire ! Les parents n'étaient pas à l'écoute…

Un agenda partagé que personne ne regarde jamais (ou juste quand cela arrange quelqu'un pour organiser un rendez-vous) où pourtant, à la fin je ne trichais même plus, n'écrivant rien quand il n'y avait rien.

Une réunion d'équipe 1 fois par mois ne réussissait pas à m'occuper et à me donner l'esprit d'équipe, si important.

Un chef de service peu présent, qui après 2 années d'évaluation de son personnel, s'apercevait que les fiches de poste des agents de son équipe n'étaient pas les mêmes, tout en s'étonnant que personne ne travaille de la même manière. Lol ! Comment évaluer l'écart entre le profil de poste et le travail fourni par des personnes si l'on ne connaît pas leurs missions ? Je m'interroge toujours sur ce cas d'école et le fonctionnement de ce chef de service, certainement très compétent par ailleurs…

Des charges de travail mal équilibrées entre cadres débordés et sous bordés…

 

Mes derniers jours de galère : extraits de mon journal

Je suis arrivée, comme d'habitude vers 7 H 30 au bureau. Pas de café à faire, ma collègue s'en est déjà chargée (zut !). Consultation de ma messagerie : 2 mails dont 1 anti-spam et une info qui ne me concernait pas directement (avec les mails, on arrose largement…).

Bidouillage sur le scrabble de mon smart, puis large pause café où on a bien cancané, surtout que 2 d'entre nous avaient des choses à arroser (un départ en vacances, et 1 promotion bien méritée)

Matinée consacrée à recopier mes paroles de chansons dans mon petit cahier, et à travailler une bande son. D'ailleurs à mon pot de départ, ma collègue voisine de bureau à eu un peu d'humour en disant qu'elle m'entendait souvent chanter.
 

Je suis complètement à plat depuis quelques jours. Une grande fatigue intérieure m'a envahie, signe d'un grand combat intérérieur.  Et en même temps, les muscles de mon dos sont tendus et me font souffrir.

Choisir c'est renoncer et je sais que je renonce, en pleine conscience, à une vie stable et confortable matériellement pour me lancer vers l'inconnu… moi.

Les dés sont jetés. Mon départ arrosé il y a une semaine, avec une trentaine de personnes que j'ai croisées ces dernières années et appréciées. C'était un très bon moment où pas une seule seconde j'ai douté ou regretté ma décision. J'ai profondément envie de ce changement de vie, de me retrouver, de redevenir moi et d'entreprendre quelque chose avec mon mari, plein de qualités et de compétences.

Je pense que tant que je n'aurai pas quitté ce bureau-prison, je resterai aigrie. Ce n'est pas ce que je veux, mais quand je suis au bureau des supplices, difficile de me projeter loin, surtout que je ne vois pas l'espace, je ne vois pas loin. Toujours ce petit palmier planté là au milieu du patio, qui rêve peut-être tout autant que moi de s'envoler vers une île.

 

 

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